En 1953 Boris Levinson, célèbre psychiatre américain, reçoit une famille désespérée car leur enfant autiste va devoir entrer en institut spécialisé. Ce jour-là il a oublié de sortir son chien, Jingles, du cabinet. Ce dernier va d’instinct se diriger vers l’enfant qui, d’ordinaire renfermé, se mettra à le caresser et lui parler. C’est ainsi qu’est né la première forme de thérapie à l’aide d’animaux. Ce terme a évolué en France vers « médiation animale » car le médiateur (l’animal), n’est pas un médicament, son rôle n’est pas de guérir la maladie mais plutôt de permettre aux patients de mieux l’appréhender et vivre avec. Nous proposons régulièrement à nos résidents des ateliers de médiation animale dans nos EHPAD de la Côte d’Azur. En effet, nous pensons que c’est un moyen idéal pour apaiser, oublier son stress et ses angoisses le temps d’une séance. De plus certaines études évaluent l’impact qu’auraient de telles activités sur des personnes âgées atteintes de maladies neurodégénératives comme Alzheimer.
La médiation animale : qu’est-ce que c’est ?
La médiation animale s’appelle donc ainsi car l’animal devient « agent transitionnel » entre le patient et l’intervenant. Un animal facilite les relations et il faut comprendre pourquoi il est un liant important dans le cadre d’une telle thérapie.
Déjà, il est spontané et ne juge pas, de ce fait la relation sera forcément simplifiée et chacun pourra s’ouvrir plus facilement. Ensuite, la communication avec lui passe par plusieurs canaux et chacun peut rentrer en contact avec lui à sa manière, que ce soit par le regard, par le toucher ou même par un simple contact. En outre, l’animal est capable de réciprocité et d’affection que le patient peut ressentir, ce qui peut égayer sa journée ou réduire son stress. Ainsi, les personnes peuvent développer un élan à l’interaction, une envie « d’aller vers » qui peut se propager au monde autour. Pour des résidents atteints de maladies neurodégénératives les isolant petit à petit du monde qui les entoure, c’est un remède efficace contre l’enfermement, du moins au cours des séances.
Car si celles-ci ont des vertus remarquables, de nombreuses études cherchent à comprendre le comment, le pourquoi et surtout à démêler le vrai du faux. Voici par exemple une étude réalisée dans un EHPAD où des séances de médiation animale et des ateliers cuisine ont été mis en place, l’idée étant de comparer les deux.
Des résultats vraiment encourageants
Cette « expérience » a été conduite sur deux groupes de six participantes chacun, l’un participait à un atelier cuisine et l’autre à des séances de médiation animale. Les profils sélectionnés correspondaient à des patientes atteintes de sénilité ou de démence liées à l’âge. Tout au long des semaines et des séances, des entretiens avec les patientes, les proches et le personnel étaient fréquemment effectués et des grilles d’évaluations complétées après chacun des ateliers.
Les premiers résultats et effets bénéfiques furent rapidement remarqués. Dans un premier temps, la communication est facilitée entre les personnes, le nombre restreints de participantes (trois au maximum par atelier) simplifiant l’écoute et l’attention que les intervenants leur portaient. L’effet socialisateur apparait évident et les comportements sociaux augmentent à chaque séance. Avant et après les activités sont dénombrés plus de sourires, de rires et d’échanges entre les participantes. Il semblerait par ailleurs que lors des ateliers cuisine ce sont plutôt les comportements agressifs qui sont simplement canalisés tandis que lors de la médiation animale, les angoisses ponctuelles et spécifiques s’apaisent, les plaintes diminuent allant jusqu’à disparaitre à la dernière séance ; malgré tout, les effets sur l’anxiété ne s’avèrent pas être persistants. Enfin, deux tiers des participantes souffrant de troubles liés à la dépression en présentent moins.
En fait on s’aperçoit que l’animal favorise les échanges entre les participantes et fait ainsi évoluer la dynamique de groupe vers une forme de complicité. À l’inverse, en cuisine c’est la compétition qui cristallise le dialogue.
La médiation animale optimise les repères spatio-temporels. À deux reprises en voyant le chien arriver, une des participantes s’est rendue sur le lieu de l’activité ou bien les participantes s’assoient à la même place à chaque séance. En outre, on s’aperçoit que trois quarts des participantes se souviennent de l’activité quand on leur en reparle.
En conclusion
L’étude a obtenu des résultats probants mais nécessite d’être répliquée pour comprendre s’ils ne dépendaient pas des individualités des participantes. Elle ouvre néanmoins de nombreuses pistes importantes.
Constituer des groupes adéquats en est une première, trois participants semble être optimal car si l’un joue avec l’animal, les deux autres peuvent discuter entre eux. Ensuite, il est important de questionner ces derniers entre les séances afin de raviver leur mémoire à court terme et de créer du lien.
La médiation animale pourrait permettre aux équipes professionnelles des EHPAD et maisons de retraite comme aux familles de réinvestir un lien avec les malades, en ne le considérant plus en tant qu’objet de soin mais en lui rendant sa place de sujet.